Eau et néonicotinoïdes

Le 13 juin prochain, le peuple sera appelé à trancher dans les urnes sur l’initiative « Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse ». ECOFORUM soutient cette initiative et a déjà fait part de son avis lors d’un précédent article. Toutefois, quelques semaines avant les votations, un point de situation s’impose : quelle est réellement la santé de nos cours d’eau dans le canton ?

Le département du développement territorial et de l’environnement (DDTE) publiera fin 2021 un rapport sur la qualité des eaux de surface et des eaux souterraines. En effet, dans les cinq bassins versants du canton, un échantillon instantané est prélevé tous les cinq ans, en différents points. Approché à ce sujet par l’association pour la sauvegarde du Seyon et des ses affluents (APSSA), le service de l’environnement et de l’énergie (SENE) qui gère le dossier n’a pas souhaité transmettre ces données avant leur publication.

D’autres informations liées à des analyses portant sur des néonicotinoïdes, insecticides reconnus par la communauté scientifique pour être hautement néfastes pour l’environnement, ont toutefois pu être recueillies par un autre biais. Ces résultats n’ont pas fait l’objet d’une publication officielle, car ils n’ont pas été obtenus dans le cadre d’une recherche scientifique (répondant à des critères précis), mais à l’occasion de la sortie annuelle du Conseil général de la Ville de Neuchâtel en 2019. Néanmoins, ils donnent un petit aperçu de la qualité de nos eaux :

  • 15 échantillons ont été prélevés en différents endroits : lac, rivières, étangs, bassin de collecte des eaux de pluie.
  • 9 néonicotinoïdes ont été recherchés par la Plateforme neuchâteloise de chimie analytique de l’Université de Neuchâtel.
  • 5 néonicotinoïdes différents ont étés retrouvés dans un ou plusieurs échantillons, dont 3 interdits en Suisse depuis janvier 2019.
  • 4 néonicotinoïdes n’ont pas été détectés ; il s’agit de substances qui n’ont jamais reçu d’autorisation de mise sur le marché en Suisse.
  • 12 échantillons présentent des néonicotinoïdes, 3 en sont exempts.
  • 5 échantillons prélevés en milieu forestier sont contaminés par 2 à 3 néonicotinoïdes.
  • 1 échantillon prélevé à 1 km au large de Monruz est contaminé par 1 néonicotinoïde.
  • l’échantillon prélevé dans le Seyon à Valangin présente la contamination la plus élevée avec une valeur totale de 9,79 ng/L.

Ces différents résultats invitent aux réflexions suivantes :

  1. Les néonicotinoïdes persistent dans l’environnement ; on les retrouve dans l’eau plusieurs mois après leur interdiction.
  2. Les néonicotinoïdes s’accumulent dans l’environnement ; malgré l’effet de dilution, on les détecte également dans de très grands volumes d’eau tels que le lac.
  3. Les néonicotinoïdes circulent dans l’environnement ; on les retrouve en forêt alors que l’utilisation des produits phytosanitaires y est strictement interdite en Suisse.

Considérée individuellement, aucune valeur ne dépasse la norme de l’EFSA pour la santé des cours d’eau fixée à 9 ng/L. Toutefois, la somme des quatre substances détectées dans le Seyon à Valangin s’élève à 9.79 ng/L. Puisque les éventuels effets synergiques ne sont pas pris en compte dans l’évaluation des risques environnementaux, ce chiffre n’est pas de bonne augure pour la santé de nos cours d’eau.

Article « Entre biodiversité et néonicotinoïdes »

Aline Chapuis, ECOFORUM